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FÉLICIE

Qu’appelez-vous plus sûr ?

LA MODESTIE

Oui ; vous êtes extrêmement jolie, et l’endroit où vous voulez vous engager me paraît un pays trop galant.

FÉLICIE

Eh bien ! est-ce qu’on m’y fera un crime d’être jolie, dans ce pays galant ? Ne sommes-nous ici que pour y visiter des déserts ?

LA MODESTIE

Non ; mais je prévois de l’autre côté les pièges qu’on y pourra tendre à votre cœur, et franchement, j’ai peur que nous ne nous y perdions.

FÉLICIE

Eh ! comment l’entendez-vous donc, s’il vous plaît, ma chère compagne ? Quoi ! sous le prétexte qu’on est aimable, on n’osera pas se montrer ; il ne faudra rien voir, toujours s’enfuir, et ne s’occuper qu’à faire la sauvage ? La condition d’une jolie personne serait donc bien triste ! Oh ! je ne crois point cela du tout ; il vaudrait mieux être laide : je redemanderais la médiocrité des agréments que j’avais, si cela était ; et à vous entendre dire, ce serait une vraie perte pour une fille que de perdre sa laideur ; ce serait lui rendre un très mauvais service que de la rendre aimable, et on ne l’a jamais compris de cette manière-là.

LA MODESTIE

Écoutez, Félicie, ne vous y trompez pas ; les grâces et