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ÉGLÉ.

Justement ; il m’aimera, je l’espère ; il a encore cette qualité-là.

CARISE.

Au lieu qu’Azor n’en est pas à vous aimer.

ÉGLÉ.

Eh ! non ; car il m’aime déjà.

CARISE.

Quels étranges motifs de changement ! Je gagerais bien que vous n’en êtes pas contente.

ÉGLÉ.

Je ne suis contente de rien ; d’un côté, le changement me fait peine ; de l’autre, il me fait plaisir ; je ne puis pas plus empêcher l’un que l’autre ; ils sont tous deux de conséquence ; auquel des deux suis-je le plus obligée ? Faut-il me faire de la peine ? Faut-il me faire du plaisir ? Je vous défie de le dire.

CARISE.

Consultez votre bon cœur ; vous sentirez qu’il condamne votre inconstance.

ÉGLÉ.

Vous n’écoutez donc pas ? Mon bon cœur le condamne, mon bon cœur l’approuve ; il dit oui, il dit non ; il est de deux avis ; il n’y a donc qu’à choisir le plus commode.

CARISE.

Savez-vous le parti qu’il faut prendre ? C’est de fuir le camarade d’Azor ; allons, venez ; vous n’aurez pas la peine de combattre.