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que vous la méprisiez ; quand vous la trouverez, je veux qu’elle vous fasse peur.

MESRIN.

Elle doit être horrible ?

ADINE.

Elle s’appelle… Attendez, elle s’appelle…

CARISE.

Églé.

ADINE.

Oui, c’est une Églé. Voici à présent comment elle est faite ; c’est un visage fâché, renfrogné, qui n’est pas noir comme celui de Carise, qui n’est pas blanc comme le mien non plus ; c’est une couleur qu’on ne peut pas bien dire.

MESRIN.

Et qui ne plaît pas ?

ADINE.

Oh ! point du tout, couleur indifférente ; elle a des yeux, comment vous dirai-je ? des yeux qui ne font pas plaisir, qui regardent, voilà tout ; une bouche ni grande ni petite, une bouche qui lui sert à parler ; une figure toute droite, toute droite, et qui serait pourtant à peu près comme la nôtre, si elle était bien faite ; elle a des mains qui vont et qui viennent, des doigts longs et maigres, je pense, avec une voix rude et aigre ; oh ! vous la reconnaîtrez bien.

MESRIN.

Il me semble que je la vois. Laissez-moi faire ; il faut la renvoyer dans un autre monde, après que je l’aurai bien mortifiée.