eux au milieu d’une forêt isolée ; chacun d’eux est logé à part ; chacun d’eux occupe un terrain dont il n’est jamais sorti, de sorte qu’ils ne se sont jamais vus. Ils ne connaissent qu’un nègre et une négresse aux soins desquels ils ont été confiés. Dix-huit ans se sont écoulés ; l’heure de l’épreuve décisive est arrivée. Indiquée par la nature et par les progrès de l’âge, le renouvellement de la dispute entre le prince et la favorite ne permet plus de la reculer ; les quatre jeunes gens vont pour la première fois être mis en présence l’un de l’autre.
On suppose (car tout est supposition dans cette singulière comédie) que, dès la première rencontre, Azor et Églé, Mesrin et Adine s’enflammeront réciproquement d’amour, et qu’ensuite, à la vue d’un nouvel objet d’un sexe différent, chacun des quatre amans sacrifiera au dernier venu l’objet de ses premières affections ; mais enfin, lequel des deux sexes donnera l’exemple de l’inconstance ?
Il n’est pas difficile de voir le faux et la frivolité d’un pareil sujet. Dans la pièce, c’est Églé qui commence ; éprise d’Azor, à peine a-t-elle aperçu Mesrin, que son cœur volage s’est porté vers lui. Trois heures ont suffi pour la dégoûter d’Azor ; déjà elle trouve sa présence importune, ses conversations trop longues ; elle veut être seule, dans l’espérance d’attirer auprès d’elle sa nouvelle conquête. Il est vrai que ses trois camarades ne sont pas en reste avec elle d’inconstance et de légèreté. Les portraits passent successivement de main en main, comme les douceurs et les reproches de bouche en bouche. Le prince et Hermiane ont tout vu, tout entendu ; la conclusion du prince, c’est que les deux sexes n’ont rien à se reprocher ; que vices et vertus, tout est égal entre eux. Hermiane n’admet pas la conséquence dans son entier ; elle trouve beaucoup plus horrible la perfidie des hommes, parce qu’ils changent