Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 2.djvu/214

Cette page n’a pas encore été corrigée

ROSIMOND

Il faut qu’elle m’ait vu.

HORTENSE

Ce n’est pas que j’aie de l’éloignement pour lui, mais si j’aime jamais, il en coûtera un peu davantage pour me rendre sensible ! Je n’accorderai mon cœur qu’aux soins les plus tendres, qu’à tout ce que l’amour aura de plus respectueux, de plus soumis : il faudra qu’on me dise mille fois : je vous aime, avant que je le croie, et que je m’en soucie ; qu’on se fasse une affaire de la dernière importance de me le persuader ; qu’on ait la modestie de craindre d’aimer en vain, et qu’on me demande enfin mon cœur comme une grâce qu’on sera trop heureux d’obtenir. Voilà à quel prix j’aimerai, Dorante, et je n’en rabattrai rien ; il est vrai qu’à ces conditions-là, je cours risque de rester insensible, surtout de la part d’un homme comme le Marquis, qui n’en est pas réduit à ne soupirer que pour une provinciale, et qui, au pis-aller, a touché le cœur de Dorimène.