Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/82

Cette page n’a pas encore été corrigée
CRISPIN

Dieu vous gard. Parble ! qu’elle choisisse ;
Qu’elle prenne un garçon, normand, breton ou suisse ;
Et que m’importe à moi !


Scène XIV

CRISPIN, seul.

Pour la subtilité,
Je pense qu’ici-bas mon pareil n’est pas né.
Que d’adresse, morbleu ! De Paris jusqu’à Rome
On ne trouverait pas un aussi galant homme.
Oui, je suis, dans mon genre, un grand original ;
Les autres, après moi, n’ont qu’un talent banal.
En fait d’esprit, de ton, les anciens ont la gloire ;
Qu’ils viennent avec moi disputer la victoire.
Un modèle pareil va tous les effacer.
Il est vrai que de soi c’est un peu trop penser ;
Mais quoi ! je ne mens pas, et je me rends justice ;
Un peu de vanité n’est pas un si grand vice.
Ce n’est pourtant pas tout : reste deux, et partant
Il faut les écarter ; le cas est important.
Ces deux autres messieurs n’ont point vu Démocrite ;
Aucun d’eux n’est venu pour lui rendre visite.
Toinette m’en assure ; elle veille au logis :
Si quelqu’un arrivait, elle en aurait avis.
Je connais nos rivaux : même, par aventure,
À tous les deux jadis je servis de Mercure.