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JUGEMENT


SUR LA COMÉDIE


DU PÈRE PRUDENT ET ÉQUITABLE,


OU


CRISPIN L’HEUREUX FOURBE.



C’est ici le premier ouvrage de Marivaux ; il faut convenir franchement qu’il ne fait pressentir en rien ce que devait être un jour l’auteur du Legs, de la Surprise de l’Amour, des Fausses Confidences, du Jeu de l’Amour et du Hasard. Des deux titres de la pièce, le premier est une double contre-vérité ; le Démocrite de Marivaux est le plus imbécile de tous les pères de comédie ; il en est en même temps le plus injuste. Dupe des plus absurdes stratagèmes, lorsqu’à la fin il est éclairé sur les fourberies de Crispin, il congédie sans raison les trois honnêtes gens parmi lesquels il avait résolu de se choisir un gendre, et il récompense par la main de sa fille l’amant qui avait employé son valet à le couvrir de ridicule.

L’intrigue est commune, et les situations avaient déjà été usées par Molière et par Regnard lui-même à l’époque où Marivaux commençait à écrire : elles sont presque toutes empruntées de Pourceaugnac et du Légataire.