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L’AMOUR

Quelle méprisable espèce de feux !

CUPIDON

Ils ont pourtant décrié les vôtres. Entre vous et moi, de votre temps les amants n’étaient que des benêts ; ils ne savaient que languir, que faire des hélas, et conter leurs peines aux échos d’alentour. Oh ! parbleu ! ce n’est plus de même. J’ai supprimé les échos, moi. Je blesse ; ahi ! vite au remède. On va droit à la cause du mal. Allons, dit-on, je vous aime ; voyez ce que vous pouvez faire pour moi, car le temps est cher ; il faut expédier les hommes. Mes sujets ne disent point : je me meurs ! Il n’y a rien de si vivant qu’eux. Langueurs, timidité, doux martyre, il n’en est plus question. Fadeur, platitude du temps passé que tout cela. Vous ne faisiez que des sots, que des imbéciles ; moi je ne fais que des gens de courage. Je ne les endors pas, je les éveille : ils sont si vifs qu’ils n’ont pas le loisir d’être tendres ; leurs regards sont des désirs : au lieu de soupirer, ils attaquent : ils ne demandent pas d’amour, ils le supposent. Ils ne disent point : faites-moi grâce, ils la prennent. Ils ont du respect, mais ils le perdent. Et voilà celui qu’il faut. En un mot, je n’ai point d’esclaves, je n’ai que des soldats. Allons,