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Que vous honorerez par ce généreux trait,
Vous invitant à fuir des retraites peu sûres,
Où vous deviez, Seigneur, présager vos injures,
Vous guide jusqu’à Rome, et vous jette en des bras
Plus fidèles pour vous que ceux de Prusias.
Voilà, Seigneur, voilà la chute la plus fière
Que puisse se choisir votre audace guerrière.
À votre place enfin, voilà le seul écueil
Où, même en se brisant, se maintient votre orgueil.
N’hésitez point, venez ; achevez de connaître
Ces vainqueurs que déjà vous estimez peut-être.
Puisque autrefois, Seigneur, vous les avez vaincus,
C’est pour vous honorer une raison de plus.
Montrez-leur Annibal ; qu’il vienne les convaincre
Qu’un si noble vaincu mérita de les vaincre.
Partons sans différer ; venez les rendre tous
D’une action si noble admirateurs jaloux.

ANNIBAL

Oui, le parti sans doute est glorieux à prendre,
Et c’est avec plaisir que je viens de l’entendre.
Il m’oblige. Annibal porte en effet un cœur
Capable de donner ces marques de grandeur,
Et je crois vos Romains, même après ma défaite,
Dignes que de leurs murs je fisse ma retraite.
Il ne me restait plus, persécuté du sort,
D’autre asile à choisir que Rome ou que la mort.
Mais enfin c’en est fait, j’ai cru que la dernière