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Et ce serait peut-être une férocité
Que d’oser aspirer à plus de fermeté.
Mais enfin, pardonnez à ce cœur qui vous aime
Des refus dont il est si déchiré lui-même.
Ne rougiriez-vous pas de régner sur un cœur
Qui vous aimerait plus que sa foi, son honneur ?

LAODICE

Ah ! Seigneur, oubliez cet honneur chimérique,
Crime que d’un beau nom couvre la politique.
Songez qu’un sentiment et plus juste et plus doux
D’un lien éternel va m’attacher à vous.
Ce n’est pas tout encor : songez que votre amante
Va trouver avec vous cette union charmante,
Et que je souhaitais de vous avoir donné
Cet amour dont le mien vous avait soupçonné.
Vous devez aujourd’hui l’aveu de ma tendresse
Aux périls du héros pour qui je m’intéresse :
Mais, Seigneur, qu’avec vous mon cœur s’est écarté
Des bornes de l’aveu qu’il avait projeté !
N’importe ; plus je cède à l’amour qui m’inspire,
Et plus sur vous peut-être obtiendrai-je d’empire.
Me trompé-je, Seigneur ? Ai-je trop présumé ?
Et vous aurais-je en vain si tendrement aimé ?
Vous soupirez ! Grands dieux ! c’est vous qui dans nos âmes
Voulûtes allumer de mutuelles flammes ;
Contre mon propre amour en vain j’ai combattu ;
Justes dieux ! dans mon cœur vous l’avez défendu.
Qu’il soit donc un bienfait et non pas un supplice.
Oui, Seigneur, qu’avec soin votre âme y réfléchisse.
Vous ne prévoyez pas, si vous me refusez,