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Que pour ce fier Sénat qui l’insulte aujourd’hui.
Si le roi contre lui veut en faire l’épreuve,
Moi, qui vous parle, moi, je m’engage à la preuve.

FLAMINIUS

Le projet est hardi. Cependant votre état
Promet déjà beaucoup en faveur du Sénat ;
Et votre orgueil, réduit à chercher un asile,
Fournit à Prusias un espoir bien fragile.

ANNIBAL

Non, non, Flaminius, vous vous entendez mal
À vanter le Sénat aux dépens d’Annibal.
Cet état où je suis rappelle une matière
Dont votre Rome aurait à rougir la première.
Ne vous souvient-il plus du temps où dans mes mains
La victoire avait mis le destin des Romains ?
Retracez-vous ce temps où par moi l’Italie
D’épouvante, d’horreur et de sang fut remplie.
Laissons de vains discours, dont le faste menteur
De ma chute aux Romains semble donner l’honneur.
Dites, Flaminius, quelle fut leur ressource ?
Parlez, quelqu’un de vous arrêta-t-il ma course ?
Sans l’imprudent repos que mon bras s’est permis,
Romains, vous n’auriez plus d’amis ni d’ennemis.
De ce peuple insolent, qui veut qu’on obéisse,
Le fer et l’esclavage allaient faire justice ;
Et les rois, que soumet sa superbe amitié,
En verraient à présent le reste avec pitié.
Ô Rome ! tes destins ont pris une autre face.
Ma lenteur, ou plutôt mon mépris te fit grâce
Négligeant des progrès qui me semblaient trop sûrs,