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Pourraient bien essayer de se servir de lui ;
Et sur ce qu’il a fait fondant leur espérance
Avec moins de frayeur tenter l’indépendance :
Et Rome à les punir aurait un embarras
Qu’il serait imprudent de ne s’épargner pas.
Nos aigles, en un mot, trop fréquemment défaites
Par ce même ennemi qui trouve des retraites,
Qui n’a jamais craint Rome, et qui même la voit
Seulement ce qu’elle est et non ce qu’on la croit ;
Son audace, son nom et sa haine implacable,
Tout, jusqu’à sa défaite, est en lui formidable,
Et depuis quelque temps un bruit court parmi nous
Qu’il va de Laodice être bientôt l’époux.
Ce coup est important : Rome en est alarmée.
Pour le rompre elle a fait avancer son armée ;
Elle exige Annibal, et malgré le mépris
Que pour les rois tu sais que le Sénat a pris,
Son orgueil inquiet en fait un sacrifice,
Et livre à mon espoir la main de Laodice.
Le roi, flatté par là, peut en oublier mieux
La valeur d’un dépôt trop suspect en ces lieux.
Pour effacer l’affront d’un pareil hyménée,
Si contraire à la loi que Rome s’est donnée,
Et je te l’avouerai, d’un hymen dont mon cœur
N’aurait peut-être pu sentir le déshonneur,
Cette Rome facile accorde à la princesse
Le titre qui pouvait excuser ma tendresse,
La fait romaine enfin. Cependant ne crois pas
Qu’en faveur de mes feux j’épargne Prusias.
Rome emprunte ma voix, et m’ordonne elle-même