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Ces rois dont le Sénat, sans armer de soldats,
À de vils concurrents adjuge les États ;
Ces clients, en un mot, qu’il punit et protège,
Peuvent de ses agents augmenter le cortège.
Mais vous, examinez, en voyant ce qu’ils sont,
Si vous devez encor imiter ce qu’ils font.

PRUSIAS

Si ceux dont nous parlons vivent dans l’infamie,
S’ils livrent aux Romains et leur sceptre et leur vie,
Ce lâche oubli du rang qu’ils ont reçu des dieux,
Autant qu’à vous, Seigneur, me paraît odieux :
Mais donner au Sénat quelque marque d’estime,
Rendre à ses envoyés un honneur légitime,
Je l’avouerai, Seigneur, j’aurais peine à penser
Qu’à de honteux égards ce fût se rabaisser ;
Je crois pouvoir enfin les imiter moi-même,
Et n’en garder pas moins les droits du rang suprême.

ANNIBAL

Quoi ! Seigneur, votre rang n’est pas sacrifié,
En courant au-devant des pas d’un envoyé !
C’est montrer votre estime, en produire des marques
Que vous ne croyez pas indignes des monarques !
L’ai-je bien entendu ? De quel œil, dites-moi,
Voyez-vous le Sénat ? et qu’est-ce donc qu’un roi ?
Quel discours ! juste ciel ! de quelle fantaisie
L’âme aujourd’hui des rois est-elle donc saisie ?
Et quel est donc enfin le charme ou le poison