pour parler plus juste, la seule complètement belle de la tragédie. Le commencement en est calqué sur la scène où Rhadamiste vient intimer à Pharasmane les ordres de César. Prusias n’a pas encore perdu le sentiment de sa dignité ; Annibal l’encourage par sa présence , et l’anime par ses discours. Toutes les convenances du rang, de la position relative des personnages y sont observées. Si la pièce, construite sur un plan moins vicieux, avait été traitée avec autant de soin dans toutes ses parties , sans être au pi-omier rang, elle serait placée au même degré qu’un grand nombre de pièces estimables que l’on ne joue pas ou que l’on ne joue guère , mais qui tiennent une place honorable dans la bibliothèque d’un homme de goût ; et Marivaux, comme auteur tragique, tiendrait convenablement sa place à côté de Campistron , Duché et Lafosse et l’abbé Genest.
A l’appui de mon jugement sur l’Annibal de Marivaux , je cite avec confiance celui de d’Alembert , qui , en matière de goût , n’est pas toujours un guide bien sûr, mais qui , toutes les fois qu’il juge sans prévention et sans arrière-pensée, porte dans la critique littéraire l’esprit de finesse et d’observation qui est le caractère distinctif de son talent.
« Le sujet de la Mort d'Annibal [1] , en prêtant beaucoup à l’élévation des idées , présentait , dans le grand Corneille , un dangereux objet de comparaison. Mari— vaux osa presque lutter contre ce grand homme , et quelques scènes de cette pièce ne parurent pas tout-à-fait M indignes du parallèle. Cette tragédie, néanmoins, n’eut pas de succès , parce qu’il faut au théâtre de l’intérêt et du mouvement, et que la pièce en avait peu ; la faiblesse
- ↑ Note 7 de l' Éloge de Marivaux, par d’Alembert.