LE sort de cette pièce-ci a été bizarre : je la sentais
susceptible d’une chute totale ou d’un grand succès :
d’une chute totale , parce que le sujet en était singulier,
et par conséquent courait risque d’être très-mal
reçu : d’un grand succès , parce que je voyais que si
le sujet était saisi , il pouvait faire beaucoup do plaisir.
Je me suis trompé pourtant , et rien de tout cela n’est
arrivé. La pièce n’a eu, à proprement parler, ni chute
ni succès-, tout se réduit simplement à dire qu’elle n’a
point plu. Je ne parle que de la première représentation ;
car, après cela, elle a encore eu un autre sort :
ce n’a plus été la même pièce , tant elle a fait de plaisir
aux nouveaux spectateurs qui sont venus la voir ; ils
étaient dans la dernière surprise de ce qui lui était arrivé
d’abord. Je n’ose rapporter les éloges qu’ils en faisaient ,
et je n’exagère rien. Le public est garant de
ce que je dis là. Ce n’est pas là tout ; quatre jours
après qu’elle a paru à Paris, on l’a jouée à la cour. Il
y a assurément de l’esprit et du goût dans ce pays-là ,
et elle y plut encore au-delà ce qu’il m’est permis de
dire. Pourquoi le succès n’a-t-il pas été le même après ?
Dirai-je que les premiers spectateurs s’y connaissaient
mieux que les derniers ? non ; cela ne serait pas rai-
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