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on voit deux hommes, et derrière eux il y a une civière : « On vous rapporte le gars Albert. On l’a trouvé dans la mare des Courtilles. Il a dû se noyer dans la nuit. » Les deux hommes entrent la civière. Et — c’est ici que M.  le Curé riait aux larmes, le ventre curieusement secoué — et alors Isidore Levieux, la main vengeresse, penché à demi sur le cadavre, et prenant à témoin les cousins de Paris : « Albert ! t’es quand même un salaud d’avoir fait ça un jour pareil ! »

Oui, M.  le Curé en riait aux larmes. Y a-t-il de quoi ? J’ai honte moi-même à transcrire cette histoire. Faut-il que ce pays soit abandonné, pour qu’un prêtre lui-même, un serviteur de Dieu… Je ne sais ce que j’allais écrire. Il est inutile de s’indigner. Du moins ici. Je l’ai déjà dit, c’est en pleine messe qu’il faudrait le faire, en pleine messe de Pâques, et du haut de la chaire ! Quand je pense, mon Dieu, que ce jour-là, M.  le Curé s’est cru obligé de dire à ses paroissiens : « Mes chers frères, je ne voudrais pas ajouter, par un sermon, à la longueur de ces festivités : je serai bref… » Oui, il a dit ça. Alors pourquoi se gênerait-on ?

Il faut que je prenne garde moi-même. L’influence de ce presbytère est, je le sens bien, amollissante. La nourriture, insidieusement — je me suis décidé à manger — agit aussi, et ce temps mou, et cette pluie continuelle. Les pro-