Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/97

Cette page n’a pas encore été corrigée

trois ans — il est moins que regardant sur le prix des visites qu’il fait. Les pauvres ne l’ont jamais payé. Il leur laisse même des médicaments. Avec cela, aucune ambition politique, ce qui est rare dans cette profession. J’ajouterai que madame Samuel est d’un caractère exécrable, ce qui n’empêche pas le docteur d’être avec elle d’une courtoisie plus que chrétienne. Je devrais donc n’avoir rien à dire. Et pourtant j’ai quelque chose à dire. J’ai à dire que le docteur me surprend immanquablement par une certaine façon de comprendre le monde. On dirait que, pour lui, le monde n’existe pas. Je ne l’ai jamais vu s’indigner. Et ce n’est pas faute de vigueur, ni de clairvoyance. Alors quoi ? J’avoue n’avoir rien de sérieux à dire. Peut-être n’y a-t-il là qu’une différence de tempérament. Je risquerai pourtant cette accusation : le docteur Samuel ne parle jamais, ou à peu près jamais, que de l’Évangile selon saint Jean.

Mais je retire ce que je viens de dire. S’il y a dans le monde quelqu’un qui me dépasse, — et il m’écrase même quelquefois — c’est le docteur Samuel. Je me demande parfois si ce n’est pas un saint.

Quand je suis entré, M. le Curé et lui parlaient du professeur Rousseau. Il paraît que sa femme l’a quitté. Le docteur disait aussi qu’au Tréport, qui est sa nouvelle résidence, M. Rousseau mène une vie très digne : « M. le