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saine. Je crois savoir quelle mena une existence assez peu régulière. Elle tenait le café du Dernier Sou — une infâme maison aujourd’hui encore — sur la route de Dieppe. On m’a dit aussi qu’en ce temps-là elle disait la bonne aventure et qu’elle guérissait du « carreau ».

Je déplore que M. le Curé ait été si facilement sensible à ses amabilités. Pour moi, je me tiens sur mes gardes : quelque irréprochable qu’on soit, on ne se trouve jamais, avec de telles créatures, à l’abri des pires scandales.

J’ai donc abandonné mes plates-bandes et suis allé rejoindre, dans le petit salon, M. le Curé et le docteur Samuel.

C’est un curieux homme que le docteur, et que je ne comprendrai jamais, je crois, tout à fait. Il doit avoir à présent quelque soixante-cinq ans. Il exerce encore la médecine. Il l’exercera sans doute jusqu’à la mort. C’est un chrétien des plus fidèles, le plus fidèle, peut-être même de notre paroisse. Il assiste à la messe du matin trois fois la semaine, très régulièrement et communie une fois par mois. Sa foi est intellectuellement solide, et informée. Il est abonné à la Vie Spirituelle et à la Vie Intellectuelle, et aux Études je crois bien aussi. Je ne sais pas même s’il ne reçoit pas les Études Carmélitaines. Il est très bon. Bien qu’il ait une nombreuse famille et des petits-enfants à sa charge — sa fille aînée est veuve depuis