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d’État rouvrirait l’ère du paganisme et des catacombes.

Mais c’est chercher bien loin je crois les raisons d’une attitude qui n’est point fondée, en vérité, sur des raisons intellectuelles. Ici comme ailleurs les raisons intellectuelles sont de parade. C’est de peur qu’il faudrait parler et de fade sentimentalité, et qui plus est, d’insuffisance vitale.

Je garde de mon temps d’active des souvenirs inoubliables. Je me rappelle ces réveils au petit jour, au mois d’avril, après une nuit tellement froide que j’avais pu à peine dormir. Sauté du lit, je courais au fond du jardin — nous cantonnions dans une vieille ferme abandonnée — et là, nu jusqu’à la ceinture, je m’arrosais de l’eau glacée du puits. C’était terrible et délicieux. Je me rappelle que je maintenais le seau un long moment au-dessus de moi, et dans une sorte de terreur, et que j’éprouvais, à vouloir, et d’un vouloir libre, d’un vouloir pur, que cette terreur tombât sur moi, une joie si dure que j’en aurais crié. La peau, glacée et rétractée, et comme morte pour un temps, bouillait bientôt d’une vie inégalable, un clairon appelait au loin, des hommes couraient, un clocher sonnait l’angélus, on savait ce qu’on avait à faire…

Je sais, ici, ce qu’il y a à faire, et que M. le Curé ne désire pas même l’essayer. « Mon enfant, soyez donc prudent… On a l’œil