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Madame de Saint-Englebert ne compte pas, ne compte jamais. Je la crois d’une grande délicatesse, et capable de vraie religion. Je ne sais à quoi elle s’occupe, on dirait un travail de broderie.

Nous sommes revenus, M. le Curé et moi, sur la route gelée. J’aurais aimé aller très vite. Pour deux raisons : d’abord parce que j’aime aller vite, ensuite parce que mes chaussures sont percées, mais M. le Curé pesait à mon bras et parlait beaucoup.

Jeudi soir. Après la messe du matin, catéchisme comme à l’ordinaire. Il neigeait. Pas de feu dans la sacristie. Mes trente gosses étaient gelés. « Tout ça parce que, m’a dit M. le Doyen, nous n’avons plus guère de charbon. » Et comme mon silence, et mes yeux sans doute manifestaient mon étonnement : « Hé oui, c’est ainsi, mon enfant, et nous avons encore deux mois d’hiver, oui, deux grands mois… » J’étais étonné en effet, et pas de ce que nous eussions si peu de charbon, mais que M. le Curé voulût bien se contenter de ce peu. Quoi donc, M. de Saint-Englebert ne pouvait aider à chauffer les enfants du catéchisme ? Et M. Bourgeois ? Et M. Jolly ? et M. Journel ? M. le Curé le leur a sûrement demandé et s’est lassé de ne rien obtenir.