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J’ai été élu, hier soir, au conseil de discipline. Curieuse histoire. Le Principal, d’une voix onctueuse : « Messieurs, nous avons à pourvoir au remplacement de votre collègue Heuzé, récemment admis à la retraite… Je profite de cette occasion pour adresser à notre collègue, en vous priant, monsieur le secrétaire, de bien vouloir en faire mention au procès-verbal, nos plus cordiaux regrets et nos meilleurs vœux… — Nos meilleurs vœux… Nos vœux de quoi, monsieur le Principal ? (C’est le dernier arrivé, un tout jeune, qui est secrétaire. Mon Dieu, qu’il se fait chahuter !) — Eh bien, mon ami, vous arrangerez ça, je vous fais confiance. .. Alors, messieurs, quelqu’un parmi vous est-il candidat ? » Silence. Pas un qui n’ait la tête baissée. Pas un qui ne désire être élu, pas un qui ose le déclarer ! Ah ! hypocrites ! Mais non, pas même des hypocrites : de pauvres types, tous des ratés, des convoiteux, des impuissants ! Les honnêtes gens ! Ceux qui n’ont pas de force pour prendre. Des professeurs ! … Ils me dégoûtent. Le Principal repose la question en jouant de son coupe-papier. Visiblement il jouit de leur faiblesse. « Alors, messieurs qui proposez-vous ? » Nouveau silence. Le Principal, maintenant gêné, a croisé mon regard. Il a baissé un moment les yeux, un court moment, et il me fixe, certain que je