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lence. Comme si rien ne s’était passé. J’ai fait mon cours. Il n’y eut pas même un sourire. Jamais classe ne fut plus sérieuse, plus convaincue, et, semblait-il, plus innocente. Quelle force, là-dedans, et comme c’est beau, dans les plus grands tumultes, une telle puissance, soudain, d’arrêt et de si parfait effacement ! Mais qui était le chef-d’orchestre ? Et qui doit être le chef d’orchestre ?

Bonne journée, hier, qui était celle de mes quarante-six ans. Thérèse et les enfants sont montés jusqu’à mon grenier, en grand silence — il était six heures du soir — et tout d’un coup la porte s’est entr’ouverte, et ils ont crié tous ensemble : « Bon anniversaire, papa ! » Et ils sont venus m’embrasser chacun à son tour. La petite Jeanne est apparue la dernière, tenant un immense paquet qu’il me fallut, que je voulus déficeler tout de suite. Je crois bien que j’avais les larmes aux yeux. Et un phonographe apparut. Un phonographe ! Comment Thérèse avait-elle pu savoir que j’en désirais un, et d’un désir si follement passionné ! Il y avait même un disque : « Sur un marché persan, » de Ketelbey. Pas exactement ce que j’aurais voulu, mais quoi ! comment savoir ! Ils étaient là, tout silencieux, heureux tous cinq de mon propre bonheur. Jeanne me disait : « Est-ce que le papier sera pour moi ? et la ficelle ? »