Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/18

Cette page n’a pas encore été corrigée

aidant, l’usure du temps, j’ai dû un jour me rendre compte. Thérèse alors était malade. Quelle maladie ? Je ne sais plus, quelque chose, pourtant, de sérieux. Et je me mis alors à penser : si elle mourait ? Et, en même temps, pris d’allégresse — j’ai juré ici d’être vrai, de ne pas me raconter d’histoires — j’organisai ma vie sans elle. Je casai d’abord les enfants : chez la grand’mère, chez ma belle-sœur, etc… Et j’épousai, oh ! l bien sûr, un ou deux ans après J j’épousai telle veuve que je sais, que je n’ai aperçue qu’une fois, à sa fenêtre, dans le désordre du matin, telle jeune fille croisée tous les jours, au même endroit, qui tourne la tête quand nous nous croisons, et jamais n’a changé de trottoir ; telle autre encore… Et je m’imaginais alors ce que serait ma nouvelle vie. Quel bondissement ! et de quelles ferveurs exalté ! de quelles ferveurs jusque-là cachées, et réprimées, et presque éteintes ! Pourquoi m’être marié si tôt ! Ma vie sexuelle elle-même, si pauvre, si étriquée, Thérèse étant la première femme que j’aie connue ! Et j’ai en moi tant de désirs !…

Tant de désirs ! Le plus commode n’est pas de me les confesser. J’aimerais ne pas trop y penser. Et ce n’est pas que je sois lâche, mais de s’analyser soi-même, bien cruellement, quoi qu’on raconte, cela ne vous rend guère plus fort quand, déjà, on est tellement faible.

Je suis donc plein de tentations. Pas de jour