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sion. La Genèse ne nous dit pas ce que devint l’Arbre de Science, et les divins fruits qu’il portait, lorsque Adam et Ève y eurent goûté. Pour moi je présume qu’il se dessécha, qu’il ne fut bientôt plus, aux vents du soir, qu’un peu de cendre dispersée. À l’homme qui n’aura su que vivre, il ne restera pour finir qu’un peu de cendre dans les mains. Et alors, comme dit la Genèse, alors il connaîtra sa nudité, et il connaîtra la nudité de l’autre, et de tous autres. La possession exige de telles richesses qu’on n’a même plus la force, les ayant dépensées, de vouloir continuer de vivre. Et nulle lumière, d’ailleurs, sur le chemin : on ne sait pas, pour avoir vécu dans l’erreur, ce qu’est la vie en vérité ; on ne sait que ce qu’elle n’est pas, on nomme cela une expérience : jamais terme n’aura mieux convenu, car l’homme ici n’est qu’un objet, une chose dont l’Éternel se sert, dont il éprouve la résistance, et qui Le dira, à la fin, comme l’être dit l’absence de Dieu, par ces rides sur un front vaincu, ces plis secrets au fond de l’âme. Le dur caillou rongé dans les falaises témoigne aussi des vents et de la mer, bien qu’il ne dise rien a l’oreille.

Les plus sûres de nos expériences, les seules vivantes, celles de quoi nous nous nourrissons, dont nous pourrons peut-être un jour nourrir les autres, qui nous justifieront, je crois, aux yeux de Dieu, ce sont les expériences que notre chair n’a point vécues. Tout le passé s’inscrit en