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quefois encore. Il était faible. C’était une créature de l’ombre. Et il y a un bonheur de l’ombre, et il y a une vérité de l’ombre. Il voulait vivre ? On ne vit que ce que l’on est. « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ? » Jamais tenter. Il ne faut simplement que vivre. Cela ne se veut ni ne s’apprend. Le vent se lève, et il t’emportera peut-être, mais guère plus loin que tu ne serais allé toi-même. Et s’il t’emporte, comment reviendras-tu ? Car il te faudra revenir. M. Rousseau, sur quelque plage déserte, attend que souffle un vent contraire… Certaines créatures n’ont point de forme. On dirait qu’elles sont inachevées, que Dieu les a abandonnées, avant sans doute affaire ailleurs. M. Rousseau n’a point de forme.

L’abbé Courtin, Dieu l’a bien pétri dans sa main, l’a bien fini. L’abbé Courtin était fait pour prendre. La force ne lui manquait pas. « Le vent se lève… » C’est en lui que le vent s’est levé, comme une puissance, comme la puissance. Et alors il s’est approché, et il a saisi la lumière, cette petite lampe, parmi tant d’autres, que vous savez. Et il l’a emportée dans la nuit, sous son manteau. Combien de temps la petite lampe brûlera-t-elle ? Il a voulu posséder la lumière ; on ne possède pas la lumière, on ne saisit pas la lumière ; c’est elle plutôt qui vous saisit et vous illumine. Toute connaissance détruit ce qu’elle prétend connaître et détruit l’être même après la posses-