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soir à la maison. La nuit, oui, une seule nuit, puis le départ. Ce qui doit venir ensuite n’est que détail. La chose à faire, l’action qui engage tout, nous l’avons maintenant accomplie.

J’emporte ces notes bien que j aie pensé les détruire : que disent-elles de moi qui ne soit que mensonge et que rêves, ces pages surtout, écrites après l’hiver ! Avoir si mal compris ce qui naissait en moi ! Avoir pris pour la grâce de Dieu les plus grossières ruses du démon ! Ne m’être jamais méfié qu’à contre-temps ! Tant de superbe, tant d’imbécillité !

Me voilà dépouillé maintenant autant qu’il se peut. J’ai la claire connaissance du péché. Je sais que nous avons dit non, et dans un accord bien lucide, à ce qui est la volonté de Dieu. La volonté de Dieu ne pardonne pas, mais il y a parfois en nous plus que la volonté de Dieu : il y a l’obéissance à ce qu’on est, en dépit de Dieu, l’obéissance à ce qu’il faut qu’on soit, en dépit de Dieu. Si j’étais habile, j’ajouterais que ce qu’il faut qu’on soit, même si l’on doit être damné, c’est encore la volonté de Dieu. Mais je ne tiens pas à cette habileté. Il me suffit, il nous suffît, à Odette et à moi, d’assumer notre propre destin, et de l’accomplir. Si Dieu plus tard, après que nous aurons marché — au bout de la route — s’impose avec