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elles-mêmes s’emplissent de Dieu. J’ai demandé à mademoiselle Odette d’être plus confiante, plus abandonnée, de ne jamais prendre au sérieux aucune « absence ». J’ai ajouté : « car cette absence qui se fait prendre pour une présence, c’est proprement la présence du démon. Affirmez Dieu d’un signe de croix ou d’une courte prière, et le Malin s’évanouira. » Et j’en reviens à mon propos. Il m’a donc fallu aujourd’hui, M. le Curé souffrant de lumbago, accepter de le représenter au dîner du mariage Bourgeois-Journel. Nous nous sommes mis à table à une heure ; à quatre heures nous y étions encore. Je ne sais plus ce que j’ai mangé. Et je négligeais de dire qu’il fallut s’interrompre, vers deux heures et demie, pour le « trou normand », c’est-à-dire pour ce petit verre d’eau-de-vie de cidre qui permet de tenir vaillamment, et de continuer. Il n’a été parlé, au cours du repas, de rien d’autre que des récoltes à venir, du prix des veaux, des cochons et des oies. Quand je suis parti, l’alcool aidant, on en venait doucement aux histoires grasses. Visiblement, on attendait de moi, non pas un encouragement, mais une tolérance souriante. Je ne sus pas la leur refuser. Le père Bourgeois m’a dit, en me mettant la main sur l’épaule : « Voyez-vous, monsieur l’Abbé, on gagne toujours à se connaître. C’est bien ce que je dis : on ne se fréquente jamais assez. Vous, vous voyez les choses de