Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le soir-même, j’ai revu François. Je crains d’avoir été brutal avec lui. J’aurais dû, peut-être, user de ménagements. Mais quoi, il y a des moments où il faut savoir trancher dans le vif. François m’a paru plus grêle que jamais, presque insignifiant. Tout compte fait, il n’a pas la force suffisante pour ce que j’avais rêvé de lui. Une âme délicate ? Oui, bien sûr, mais nous ne manquons point d’âmes délicates. François va nourrir toute sa vie de cet amour déçu. Il attendait, obscurément, d’être meurtri : oui, je lui ai vu, à travers ses larmes, ce sourire qui ne trompe pas. Il aspirait à la volupté de la souffrance, au demi-partage avec les autres, à une existence de malade, ouatée, réservée, délicieuse. Il est de ces hommes qui ne prennent pas, qui ne savent que jouer la vie. Il est de ces faibles qui, plus que des pécheurs peut-être, compromettent le christianisme en lui donnant figure de religion d’esclaves. « Comme vous êtes dur, monsieur l’Abbé ! oh ! je n’aurais pas cru, je n’aurais pas cru ! » Et je n’étais pas dur pourtant. Je disais seulement ce que je sais, et qu’il n’y a aucun espoir, et que la sagesse est d’accepter.

L’avouerai-je ? J’ai été tout heureux d’abandonner François. Au surplus, que puis-je faire pour lui ? Prier, sans doute : oui, et c’est tout. Et c’est beaucoup. Et c’est tout, peut-être, dans un autre sens.

Monté ici, j’ai feuilleté le carnet de made-