L’étrange visite me hante encore. Je ne me savais pas si impressionnable. Mais peut-être ai-je toujours vécu dans un monde trop simple. Peut-être n’ai-je jamais donné à Dieu — et au diable — le poids qu’ils peuvent avoir sur nous.
Soir de dimanche. Il a plu toute la journée — une pluie très fine et presque froide et nous voilà pourtant en juin. Je reviens de dire les compiles. L’église était presque déserte, et très obscure. Pour la première fois, j’ai compris l’étonnante beauté de ces prières, ce qu’elles gardent en elles des pures tendresses de la vie monacale. Des pures tendresses, de l’abandon… et aussi de la connaissance du démon.
Fratres, sobrii estote, et vigilate… « Frères, soyez sobres et vigilants, parce que le démon, votre adversaire, est comme un lion rugissant qui rôde autour de nous, à la recherche d’une proie. Résistez-lui donc, vaillants dans la foi.
« Et vous, Seigneur, ayez pitié de nous. » Au moment de la confession des péchés, quand on dit tout bas le Pater Noster, je suis resté muet et incapable de poursuivre. La souveraine beauté de ce silence m’accablait tout. Je me sentais dans une proximité du surnaturel que je n’ai jamais connue. J’entendis ensuite le bourdonnement du Confiteor et il me sem-