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avait deux roses sur la cheminée, dans une coupe, et un aquarium avec un poisson comme je n’en avais jamais vu. « Ils ont un nom compliqué, m’a dit mademoiselle de Saint-Englebert, mais on les appelle le plus souvent des poissons à queue de voile. » M.  de Saint-Englebert, qui m’avait reçu, est resté avec nous quelques minutes. Il avait affaire : on dit que M.  Loison, le conseiller général, est tombé dans une « sale histoire ». Je ne sais pas au juste de quoi il s’agit. « Un scandale », m’a dit M.  de Saint-Englebert, « et une honte, entendez-vous, et une honte pour un chrétien ! » Je n’ai pas osé poser de questions : j’ai eu, très vif, le sentiment que j’aurais dû être informé.

Mademoiselle de Saint-Englebert m’a dit, d’une voix que je ne lui connaissais pas, d’une voix qu’elle n’a, je crois, qu’en l’absence de son père — il la tyrannise certainement — : « Monsieur l’Abbé, je veux vous dire toute la joie que j’ai à penser à ce petit groupe. Je vais donc pouvoir enfin faire quelque chose ! » Elle se reprend : « Faire quelque chose ! Je suis bien ambitieuse, n’est-ce pas, monsieur l’Abbé ! Je veux dire : essayer de faire quelque chose. » Je réponds : « Dieu, Mademoiselle, ne nous demande que d’essayer. » Et il y a un grand silence pendant quoi l’on entend une mouche heurter la glace. Je suis un peu gêné. Il me semble même que je rougis. Mademoiselle de