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manquent tellement dans ce pays que les gamins veulent faire les hommes. »

On était arrivé à la poste. Les poivriers de la place s’arrondissaient noirs et immobiles parce qu’ils étaient abrités contre le vent ainsi que des arbres de vieille cour. Il y dormait une odeur de terre jamais arrosée et d’anciennes feuilles d’emplacement abandonné. Le Conseil Général, bâti de bois, étant fermé comme une remise. Au fond, les guichets de la poste, illuminés tels que des sabords, délivraient la pacotille de lettres.

On les lisait là même, sous la varangue, en marchant d’un bout à l’autre, se croisant sur le bitume de la galerie qui résonne comme l’asphalte de Paris. La lumière vient des fanaux pendus à la muraille ; et à l’intérieur du bâtiment on entend un tapage de machine, un bruit de voyage, l’estampillement des lettres ; les manœuvres charrient dans la poussière de gros paquets de coutil avec la précipitation des embarquements et des débarquements. On s’accoste, on se coudoie, on se presse, tellement, sur un étroit espace, qu’il semble que hors de là, dans la rue, on va continuer de marcher dans une foule et que toute la ville est pleine de ce mouvement des grandes villes de France dont soudain grouille la poste.

Eva s’approcha du guichet D E F G. « N’avez-vous rien pour Fanjane ? »

L’employé, qui était un lointain cousin, lui tendit une enveloppe, demandant malicieusement si c’était bien pour elle en souriant d’un air complice.