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II

En remontant la rue du Barachois elles rencontrèrent Gabriel Fanjane qui venait rejoindre sa mère. Il devait lui aussi partir bientôt pour la France. À dix-huit ans, il se trouvait plus grand et fort que la moyenne des hommes ; et comme il était beau Mme Fanjane s’avouait très fière de lui. À la façon de beaucoup de mères créoles elle aimait lui donner le bras. Il arrivait qu’on les prenait pour des époux, tant elle-même restait jeune, mariée à quinze ans, veuve à vingt, et brune de ce teint délicatement mêlé qui ne prend d’âge qu’aux fatigues de l’amour. Il était aussi très brun, de telle sorte qu’à quelque distance on remarquait surtout son embonpoint d’adulte, mais les jeunes filles savaient discerner l’extrême finesse de sa peau, et, avec la longueur rare de ses cils, la puérilité de son regard indécis à se poser. Dès qu’il se trouvait au milieu d’elles, il avait des mots, des phrases et des inflexions d’enfant ; et son œil ne savait regarder fixement bien que seul avec chacune son attitude fût naturellement hardie. Malgré sa grandeur il était resté le séraphin des pensionnats ; jeudis et dimanches, il suivait avec des camarades plus jeunes les sorties de l’Immaculée au point que, prévenu par la Supérieure, le Proviseur avait dû le faire venir dans son bureau et le répri-