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LA VILLE CHARNELLE

et chevauche à grands pas sur la courbe du monde,
en piétinant les ondes que tes amants fourbus
pavent, au loin, de leurs cadavres innombrables !
Oh ! te voilà caracolant sur ces torrents de lave
que versent leurs prunelles !… Oh ! te voilà caracolant
sur ce vaste chemin de vagues à plat ventre
ainsi que des esclaves comme nous, comme moi !
Nous sommes à ta merci, prosternés dans le sable !
Et tu peux à loisir défoncer nos échines
avec les lourds sabots granitiques
de ton grand promontoire cabré de joie.

C’est bien toi la Maîtresse dont le grand corps doré
sait à la fois tenir dans notre cœur fragile
et barrer tout le ciel par ses courbes immenses !…
C’est bien toi qui nivelles la houle échevelée
de la moisson humaine,
que secoue la bourrasque d’un orgueil effréné !
Tu fauches d’un grand geste les crêtes en révolte