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LA VILLE CHARNELLE

n’est plus que le regard épandu de la Ville !

Mais fi de ces chansons d’ivrogne monotone !
Je n’ai que des images de tailleur ou d’orfèvre
et je ne puis trouver un cri digne de toi !…
Pour te chanter encore il faut me souvenir
des joies passées et des beaux jours de ma jeunesse,
ou desserrer les dents à la hyène affamée
qu’on nomme l’Avenir, pour avoir un lambeau
des viandes purulentes qu’elle mâche sans fin.

C’est en vain, Ville ardente et vorace,
que je vais ravageant l’espace débonnaire
pour trouver les torrents, les cascades d’étoiles
dont je veux inonder ton beau corps de déesse !
Je ne mérite pas de chanter ta splendeur,
et je suis bien indigne de respirer ton souffle,
puisque je n’ai pas su m’oublier dans tes bras,
et je t’ai traversée comme un chien enragé