Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
LA VILLE CHARNELLE

et monte, toi aussi, sur la poupe, comme eux.
Puis dis-leur de virer bien loin de ces parages,
vers les villes écloses couleur de magnolias,
qui parfument là-bas le large ultramarin.
Bois à flots l’aventure ardente de la Mer,
avec ses lourds sanglots et ses esclaffements,
ses sillages chanteurs, sa floconnante écume,
sur la cadence et la sinistre mélopée
de ces rameurs ! Et miaule comme une benjoh !…
Hâte-toi, car voici, la Nuit sournoise et despotique
s’est nourrie peu à peu des vivantes ténèbres,
des langoureux regards et des liquides voluptés,
que les prunelles dominantes de la Ville
ont épanché sur l’échancrure des rivages.
C’est la Ville éternelle de luxure et d’angoisse
qui a formé sinistrement la nuit tout autour d’elle,
avec son fastueux regard de velours noir !

La Mer ! La Mer toute abreuvée d’ombre chaude,