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étaient convaincus de la douleur que je souffrais ; car ce n’était pas là un songe ni une de ces visions qui nous trompent durant le sommeil. J’en atteste ce tribunal redoutable devant lequel je me suis vu prosterné, et ce jugement rigoureux qui m’a donné tant de frayeur. Je sentais encore à mon réveil la douleur des coups que l’on m’avait donnés, et j’en avais les épaules toutes meurtries. Aussi fus-je dans la suite plus passionné pour l’étude des livres sacrés que je ne l’avais été auparavant pour les auteurs profanes. »

Il y aurait là-dessus bien des remarques à faire ; car quand on goûte plus Cicéron que l’Évangile, il paraît qu’on aime moins la vérité de Dieu que le frivole son des paroles des hommes. Ce n’est pas par ce seul endroit de ce saint docteur que nous apprenons combien la lecture passionnée des auteurs profanes est condamnable dans les personnes d’une profession sainte : plusieurs autres saints Pères l’ont également condamnée ; et si quelques saints en ont fait usage, ce n’a pas été par un goût de préférence sur la lecture des livres inspirés, mais pour la faire servir à la religion, comme David se servit de l’épée de Goliath pour lui couper la tête.

Saint Jérôme ne demeura que quatre ans dans le désert de Chalcis. Le schisme qui se forma dans Antioche au sujet de saint Paulin et de saint Mélèce, et la persécution de quelques envieux qui osèrent même l’accuser d’erreur dans la créance de la Trinité, l’obligèrent de se retirer aux environs de Jérusalem, et de passer d’une solitude à l’autre. Il s’arrêta ensuite à Bethléem, dont il goûta plus la situation ; ce qui le porta à s’y retirer tout à fait dans la suite. Il fut obligé de retourner de nouveau à Antioche, où saint Paulin l’ordonna prêtre ; mais il n’accepta cet honneur qu’à condition qu’il ne serait attaché à aucune église, ni