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ans, qu’un potage d’herbes où on mêlait de la farine, ce qui allait à peine à cinq onces ; encore observa-t-il toujours constamment de ne le prendre qu’après le soleil couché.

Nous pouvons ajouter à cette vie si austère la privation de toutes les consolations humaines, et de celles même qui eussent beaucoup pu satisfaire sa piété. On remarque que dans cinquante ans qu’il demeura en Palestine, il n’alla qu’une fois à Jérusalem, et ce fut autant par dévotion que de peur qu’on ne crût, s’il n’y allait point en étant si proche, qu’il méprisait les saints lieux. Jusqu’alors il avait gardé si étroitement sa solitude, qu’il n’entrait point dans les villes ni même dans les villages. Enfin nous pouvons mettre entre ses pratiques de pénitence le travail des mains, qu’il diversifiait, soit en labourant la terre, soit en faisant des paniers de jonc, à l’exemple des solitaires d’Égypte.

Mais son principal exercice était l’oraison, le chant des psaumes et la lecture des saintes Écritures, qu’il étudia même par cœur, et dont il récitait les paroles avec un profond respect et une tendre onction, comme s’il eût vu Dieu présent et qu’il les eût entendues de sa divine bouche.

Le démon, voyant une ferveur si extraordinaire dans un si jeune solitaire, voulut l’étouffer dès le commencement et l’attaqua par des tentations violentes. Hilarion avait vécu jusqu’alors dans une innocence angélique et n’avait pas encore éprouvé les révoltes humiliantes de la chair. Les premiers assauts qu’il ressentit l’étonnèrent ; mais il n’en fut pas découragé ; au contraire, s’élevant contre son corps qui lui déclarait la guerre, il lui dit avec un zèle enflammé par l’amour de la pauvreté, et en frappant sa poitrine, comme s’il eût voulu, par les coups qu’il se donnait, chasser ces mauvaises images de son esprit : « Attends, malheureux