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esprit était souvent transporté par des ravissements admirables ; il était dans une extase profonde, et son âme, prenant son vol par une opération surnaturelle de la grâce, se trouvait ravie parmi les anges, et s’entretenait avec eux des vérités de nos mystères et de la bonté ineffable de l’Homme-Dieu. On peut dire que dans ces états d’oraison éminente il éprouvait ce qu’il marque dans son Échelle sainte, où il dit que le dernier et le plus parfait degré d’oraison consiste en un transport de l’âme et en un ravissement de l’esprit en Dieu, et, qu’entre plusieurs autres sortes d’illuminations, il y en a une toute singulière qui, par un ravissement d’extase, met l’âme en la présence de Jésus-Christ d’une manière secrète et ineffable, et la remplit d’une lumière spirituelle et céleste.

De ce don d’une oraison si parfaite venait en lui ce grand amour de la solitude et du silence, qui le portait à se cacher aux yeux des hommes autant qu’il pouvait, et à se taire, tandis qu’il était si capable de parler de Dieu admirablement. Aussi disait-il que le vrai solitaire, ne voulant rien perdre des douceurs divines dont Dieu le console, ne fuit pas moins tous les hommes, quoiqu’il n’ait aucune aversion pour eux, que les autres les recherchent.

Outre ce grand don d’oraison, Dieu lui en accorda un autre également précieux, qui fut le don des larmes. « Quelle place, dit son historien, donnerai-je dans la couronne de ses vertus à cette source de larmes qui était en lui, et qui est une grâce si rare et qui se trouve en si peu de solitaires ? Il les répandait en secret, et, parce que sa cellule était proche des autres, et qu’on eût pu l’entendre pleurer et gémir, il se retirait à l’écart dans un antre qu’on voit encore au pied de la montagne, et qui n’était éloigné de sa cellule et des autres qu’autant qu’il fallait pour fermer l’entrée à la vaine gloire, qui aurait pu se glisser