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milles, c’est-à-dire de près de deux lieues, de l’église, qui était apparemment celle que l’empereur Justinien avait fait bâtir au pied de la montagne : et il s’y rendait les samedis et les dimanches comme les autres solitaires, soit pour l’office, soit pour y participer aux saints mystères.

Dans sa nouvelle retraite, Jean se proposa une vie toute céleste, comme s’il n’eût rien fait jusqu’alors ; mais ce ne fut pas sans soutenir de grands combats, et sans avoir de grandes tentations à surmonter.

Il eut aussi à vaincre une tentation qui lui donna occasion de montrer comment la vaine gloire se glisse quelquefois dans notre âme pour la tromper. « J’étais, dit-il, assis un jour dans ma cellule, et je sentais un si grand découragement dans mon cœur, que je pensais presque à la quitter. Quelques étrangers survinrent dans ce temps-là, et se mirent à relever si hautement le bonheur que j’avais de vivre ainsi dans la solitude, que ces pensées d’ennui et de découragement furent aussitôt chassées par celle de la vaine gloire. J’admirai comment le démon de la vanité, semblable au fer à trois pointes qui a toujours une pointe en haut, fait la guerre à tous les autres démons. » Il fait aussi, au troisième degré de son Échelle sainte, une énumération des différentes tentations dont les ennemis du salut se servent pour porter les anachorètes au relâchement, et il paraît par ses expressions qu’il en avait eu un grand nombre à combattre ; mais il soutenait ces assauts sans se troubler. Il opposait l’abstinence et la fuite des occasions aux désirs de la sensualité ; la retraite et le silence à la vaine gloire ; et la privation des choses même nécessaires, ainsi que la charité envers les pauvres, à qui il faisait part de ce qu’il gagnait du travail de ses mains, à la délicatesse et à l’attache aux choses de la terre.

D’ailleurs il usait en tout de discrétion ; évitant les