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à la fois l’acuité de perception des plus subtils de ses contemporains et quelque chose de la simplicité de forme des écrivains primitifs. Ce cas est peut-être unique. Que diriez-vous d’un Homère qui aurait les sens d’Edmond de Goncourt.

Les Contemporains, 3e série.

De M. Victor Giraud.

Il est assez rare qu’un grand écrivain, fût-il un grand poète, sans jamais cesser d’être lui-même, de parler sa langue et de chanter son âme, ait su en même temps se faire l’écho des aspirations même confuses et contradictoires, de toute une génération d’hommes. Cette bonne fortune est échue à Loti, et nul doute qu’il ne lui doive une large part de son succès. Nous nous sommes reconnus et aimés en lui. Nous nous sommes laissé prendre à son art savant et ingénu, complexe et naïf tout ensemble, à la musique ensorcelante de ses phrases, à la magie de ses tableaux, à ses évocations de lointains pays, d’âmes primitives, de tragiques destinées. Nous lui avons pardonné tous ses défauts d’enfant gâté, parce qu’il avait la grâce et parce qu’il avait le charme ; le charme, n’est-ce pas le mot qui revient sans cesse sous la plume quand on parle de lui ? Et nous l’avons aimé pour sa grande sincérité, pour tout ce qu’il a mis de ses inquiétudes et des nôtres dans son œuvre. Nous l’avons aimé pour son effroi passionné en face de la mort, pour l’ardeur de sa plaintive et nostalgique prière. En un mot, il a été notre poète. Il a été pour nous à bien des égards