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abondent et c’est à l’imagination du lecteur de compléter ce qu’a seulement ébauché l’auteur. Certains mots reviennent avec une anormale fréquence, et ce sont tous ceux qui expriment l’infini des durées, l’imprécision des lointains, la hantise mélancolique du passé. Dans certains des livres de Loti, dans Mon frère Yves, en particulier, la syntaxe, toujours peu compliquée, se fait plus rudimentaire encore. Les verbes manquent le plus souvent, qui constituent d’ordinaire l’ossature des phrases, et celles-ci en arrivent à n’être plus que de brèves notations impressionnistes… En revanche, presque toujours existe un rythme perceptible des phrases comme scandées de place en place par des adverbes ou des conjonctions. Le sujet souvent se trouve répété : « Au crépuscule, donc, elle s’en revenait, Franchita, de conduire son fils. » Et parfois ce sont des lambeaux entiers de phrases qui reviennent comme un refrain. « O crux ave, spes unica », c’est le leitmotiv gravé sur les vieilles croix de pierre du pays basque, au long des chemins que suit Ramuntcho qui s’en va pour toujours. « Un temps viendra où de tout ce rêve d’amour rien ne restera plus », c’est le refrain qui accompagne la rêverie mélancolique de l’amour d’Azyadé et qui mystérieusement semble rythmer toute l’œuvre de poésie mélancolique de Pierre Loti.

Que ce style soit d’une incontestable originalité, c’est ce que nul ne saurait ne pas admettre qu’il y ait là du procédé, c’est ce que réfute absolument ce