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la minutie d’un érudit qui veut nous faire connaître par le détail la nature et les hommes des pays évoqués, mais avec la ferveur d’un lyrique et d’un amoureux qui a savouré avec ivresse le charme des divers visages de la terre.

De ces paysages qui absorbent tout, c’est à peine si les personnages secondaires des livres de Loti peuvent être différenciés. Ce n’est pas qu’ils aient quoi que ce soit de conventionnel et d’arbitraire, mais ils sont traités dans la même note que le décor et se fondent pour ainsi dire avec lai. Qu’est-ce que Fatougaye, par exemple, la petite amante du beau spahi Jean Peyral, et qu’est-ce que Rarahu, sinon la personnification de l’âme instinctive de deux races et de deux pays.

Des poèmes, les livres de Loti n’ont pas seulement le subjectivisme, mais aussi la simplicité d’action. Ce n’est certes point manque d’imagination, mais dédain des complications d’intrigues où se complaît la facile habileté des fabricants de feuilletons populaires. Il ne faut à un peintre de génie pour en faire un chef-d’œuvre qu’un coin de paysage ou que le premier objet venu ; dans les plus compliqués des livres de Loti on peut dire qu’il ne se passe presque rien : des marins qui hâtivement se laissent aller entre deux escales « au leurre délicieux de l’amour » et qui s’en vont, c’est tout le sujet d’Azyadé ou de Rarahu, et cela n’est pas plus touffu comme intrigue que Hermann et Dorothée, ou Enoch Arden, cela n’atteint pas même à la complexité de Jocelyn. D’ailleurs ce qui nous