mon sang, et, bien qu’il soit inventé, il a été si près d’être véritable que je le relis, ce soir, après tant d’années, avec un trouble que je n’attendais plus, un peu comme on relirait outre tombe le passage suprême du journal de sa vie. » En outre de l’intensité d’émotion qu’il recèle, ce qui contribue puissamment au charme d’Azyadé, c’est la nouveauté du décor senti et évoqué de telle sorte qu’il semble inédit même après Chateaubriand et Lamartine, même après Gautier, Flaubert et Gérard de Nerval. Azyadé pourtant passa d’abord à peu près inaperçu.
Mais Loti, malgré l’insuccès de son premier roman, continuait d’écrire. En utilisant les souvenirs de sa campagne d’Océanie, Loti adresse à M. Calmann-Lévy le manuscrit de Rarahu, idylle polynésienne, qui, porté par ceux-ci à la nouvelle revue, est publiée avec un succès complet. Cette fois, il est vrai, Loti s’est affranchi de toutes les tirades romantiques qui encombraient son premier livre. De plus, le décor du roman était absolument nouveau et d’un charme si puissant que la plupart des lecteurs, non seulement parmi le grand public mais parmi les écrivains, furent conquis : « les plus grands chefs-d’œuvre de la littérature, écrivait à son propos Jules Lemaître, ne m’ont jamais troublé ainsi » ; Daudet enthousiasmé, lui aussi, par l’originalité de ce talent nouveau, se lie à Loti d’une amitié que la mort seule devait interrompre et l’introduit au grenier des Goncourt. L’auteur de Rarahu, entré en triomphateur dans le monde