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écrivait le poète des « vaines tendresses ». Cette tristesse résultant de l’impossibilité d’une communion parfaite, même pour ceux qui s’aiment le mieux, est rendue plus aiguë pour Loti et Azyadé par le fait de leurs façons de sentir et de leurs éducations différentes. Et même aux instants où Loti se sent le plus près de son amante, il souffre de songer que nul amour n’est durable : « un temps viendra où de tout ce rêve d’amour rien ne restera plus, où tout sera englouti avec nous-mêmes dans la nuit profonde ; où tout ce qui était nous aura disparu, tout jusqu’à nos noms gravés sur la pierre… »

Plus encore peut-être que la mort. Loti appréhende l’oubli ; il songe à d’autres rêves d’amour dont Azyadé n’était point l’objet et qui eux aussi l’avaient profondément troublé. « Je suis bien jeune encore, constate-t-il, et je ne m’en souviens plus. » Alors il en arrive à douter de l’amour lui-même qu’il voudrait croire l’effort suprême de l’âme vers le ciel et qui pourrait bien n’être « qu’une puissance aveugle de la nature qui veut se récréer et revivre ».

Cette idylle qui reste inachevée, Loti tâche de la compléter par le rêve. Il imagine qu’Azyadé meurt et que Loti, sous les murs de Kars, tombe en combattant pour la cause de l’Islam. Plus tard, hanté toujours par le souvenir qui lui tient au cœur, à la veille de repartir pour Stamboul où il a vécu le meilleur de sa jeunesse, il écrira : « Ce dénouement-là, je l’avais composé de mes larmes et de