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air et de larges horizons il ne peut comprendre « la poésie de la mansarde, de la grisette et de l’estaminet ». Il garde au Quartier Latin « les allures inégales, brusques ou timides, d’un oiseau qu’on aurait pris déjà grand pour le mettre en cage » et de sa petite chambre donnant sur les clochers de Saint-Etienne-du-Mont et de Sainte-Geneviève, il contemple avec spleen les horizons ternis par la fumée de Paris, en rêvant de prendre son vol.

L’instant bienheureux du départ arrive enfin. Loti entre à l’École navale. C’est pour lui la certitude de voir enfin comblés ses rêves de vie errante, mais c’est aussi la nécessité de se plier aux contraintes de la vie en commun. Ses camarades pour la plupart sont plus au courant que lui des réalités de la vie, et plus ou moins libérés des croyances religieuses.

Un camarade de promotion de Loti, séparé de lui par les circonstances après être demeuré longtemps un de ses amis les plus fidèles, le dépeint à cette époque comme un adolescent délicat d’esprit, épris de musique, de peinture et de sculpture et pratiquant ces différents arts avec une souplesse et une facilité singulières. Mais quoique admiré de ses camarades dont les plus clairvoyants l’estiment un sujet d’élite, Loti, d’ailleurs de caractère mélancolique, se livre très peu.

La crise des sentiments et d’idées déterminée chez lui par le passage de la chaude atmosphère familiale aux milieux plus rudes de Paris et de Brest s’aggrave des soucis matériels que vaut aux siens la mort du