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REFUGE À JASSY

Ce me fut une véritable agonie que de quitter Cotroceni. Cette maison avait été mienne pendant vingt-trois ans, je l’avais embellie et ornée, j’en étais fière et je l’aimais ; cependant il fallait préparer le départ avec calme, personne ne devait savoir que nous étions là pour la dernière fois.

Une séparation infiniment plus douloureuse me restait à subir, la séparation d’avec mon cher petit tombeau.

Oui, mon Mircea, je t’ai quitté, te laissant seul sous les froides dalles de la vieille église. Mircea, je n’ai abandonné que toi, que toi de tous mes enfants, toi le plus jeune, je t’ai laissé tout seul. Et Mircea, mon petit garçon, peut-être que de là-haut tu me souris, comprenant, comme nul ne le peut faire ici-bas, le sens de nos terrestres larmes. Petit Mircea, peut-être es-tu moins solitaire que ta pauvre Mère sans foyer, qui n’ose rester veiller sur ta tombe.

Et je le quittai, je quittai la maison sans un mot, sans une larme ; je mis simplement entre les mains de Steinbach une petite lettre écrite en allemand, lui disant : « Vous la remettrez à celui qui viendra à ma place ici. » Il me regarda les yeux pleins d’effroi.

Werden Majestat nicht wieder kommen ?[1]

Je lui répondis :

Es kann sein dass ich nicht wieder komme[2].

Je sautai en voiture et partis.

Voici la traduction de cette lettre écrite en allemand :

« J’ignore qui habitera cette maison que j’ai tant aimée. Mon unique prière est que l’on n’enlève pas les fleurs qui ornent la petite tombe de l’Église… »

Mon retour à Buftea fut tragique. Des prodiges avaient

  1. Votre Majesté ne reviendra-t-elle pas ?
  2. Il se peut que je ne revienne pas.