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DIALOGVE D’HORACE ET
DE LYDIE



TAndis que mon Amour t’enflãmoit conſtãmẽt,
Tandis qu’vn ieune amy, brauãt ma ialouſie,
Ne preſſoit ton beau col d’vn mol embraſſement,
I’ay flory plus heureux qu’vn Monarque d’Aſie.
Deuant que ton eſprit briſaſt ſa loyauté,
Deuant qu’il euſt chery d’vne aueugle folie
Cloé plus que Lydie, illuſtre de beauté,
I’ay ſurmonté l’eſclat de la Romaine Ilie.
Cloé Greque ſans pair me poſſede à ſon tour
Par sõ luth & ſa voix qui ſcait charmer l’oreille :
Et mourrois volontiers, victime de l’Amour,
Pour conſeruer mourant cette ieune merueille.
Calaïs Thurien épris de mes appas,
Par vn reuers gentil de ſes attraits me bleſſe :
Et ſouffrirois deux fois la rigueur du trespas,
Pour ſauuer du tombeau cette belle ieuneße.
Quoy ſi l’amour premier reſſuſcitant ſon feu
Ramenoit ſoubs ton ioug mon ame reuoltée ?
Quoy ſi mon cœur ſolide éterniſant ſon vœu,
Ma Lydie eſt reçeue & Cloé rejettée ?
Encor qu’il ſoit pl9 beau qu’vn aſtre au frõt des cieux,
Toy plus leger qu’vn liege & plus mutin que l’õde ;
Ie veux rouler mes iours aux priſons de tes yeux,
Ie veux que mon cercueuil tes obſeques ſeconde.