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POÉSIES

Dunc quida bien estre noiée ;50
Arrière voleit returner
Kar ne pooit avant aler.
[a]Mais la Raine l’ad rapelée,
Ki à force l’en ad menée.
Tant par amur, cum par proière,
Ke il vinrent à la rivière.
Dunc ne pot la Suriz avant,
A la Raine dist en plurant,
Ci ne puis-jeo noient passer[1]
Quar jeo ne soi unques noer.60
Prens, fet la Reine, cel filet[2],
S’el lie fort à ton gairet
E ge l’atacherai au mien,
Dunc la rivière passeruns bien.
La Suriz s’est dou fil loiée,
A la Raine s’est atachiée ;
El gué se metent, si s’en vunt ;

  1. Mais la raine tant la priée
    Qu’ele l’enmeine dusqu’à la rivière.

  1. Il m’est impossible de passer la rivière, car je ne sais point nager.
  2. Prends, dit la grenouille, prends ce petit fil que tu lieras fortement à ta jambe, et l’attachant à la mienne, nous passerons la rivière sans danger.