Page:Marie de France - Poésies, éd. Roquefort, II, 1820.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
154
POÉSIES

Je nel’ te puis guerredoner[1],
Fai à tun oues[2] le pain garder.10
Li Lieires dist : jeo ne quier rien,
[a]Menjue le pain, si est le tien ;
Li Chiens respunt n’en woil nient[3],
Jeo sai très-bien à escient[4]
Ke ma buche velx estuper,
Que jeo ne puisse môt soner,
Puis si embleroies nos Berbiz
Kar li Berchier est endurmiz,
Traï aureie mun Seignur
Ki ma nurri dusqu’à cel jur.20
Malement areis emploié
K’il m’a nuri et afaitié[5] ;
Se par ma garde avois perdu
[b]Ce pur qu’il ma lunc-tens tenu,
E tu meismes me héireies[6],
E pur trahitor me tenreies.

  1. Mais pren le et si le retien.

  2. Ce dont il m’a lonc-tens péu.

  1. Te rendre aucun service.
  2. Gré, volonté.
  3. Je n’en veux pas.
  4. A scient en connoissance de cause que tu veux me clore la bouche.
  5. Instruit, entretenu, d’affectare.
  6. Toi même me mépriserois et me regarderois comme un traître.