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LAI DE GUGEMER.

ferai-je ? disoit-il ; j’irai vers elle et lui découvrirai ma flamme ; je la prierai d’avoir pitié d’un malheureux abandonné qui n’a de conseil de personne ! Oui, si elle rejette mes vœux, si je ne puis dompter son orgueil, il ne me reste qu’à mourir de langueur. Bientôt, changeant d’avis, il prend le parti de se taire et de cacher ses souffrances. Le sommeil fuit loin de sa paupière, il ne fait que soupirer et se plaindre nuit et jour ; sa pensée lui rappelle les appas de sa belle, ses grâces, ses beaux yeux et surtout cette bouche charmante et ces douces paroles qui lui portent au cœur. Il lui crie merci, et peu s’en faut qu’il ne l’appelle à son secours. Il croit toujours la voir et lui parler ; quel eût été le bonheur de Gugemer, s’il eût connu les sentiments de la dame ! Que d’inquiétudes il se fût épargnées, et ces souffrances qui avoient effacé l’incarnat de son teint ! Si le chevalier ressentoit les maux d’amour, ils étoient également ressentis par la dame.

Aussi inquiète que son amant, dont elle partageoit les sentiments, la belle qui ne